Déclaration de Gaëtan LEVITRE, maire d’Alizay, à la CASE le 10 juillet 2014

Déclaration de Gaëtan LEVITRE, maire d’Alizay, à la CASE le 10 juillet 2014
11 juillet 2014 Michel

Monsieur le Président,

Permettez-moi tout d’abord de vous remercier, Monsieur le Président, d’organiser au sein de notre assemblée, ce débat concernant le contournement Est de Rouen et de son barreau Eurois.

Je rappelle d’entrée, pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur nos propos, que nous reconnaissons la nécessité de contourner cette grande ville qu’est Rouen, comme nous reconnaissons la nécessité de réaliser ce barreau Eurois, qui contribuera, comme nous ne cessons de le réclamer depuis des décennies, au désenclavement de la Vallée de l’Andelle.

Mais pas à n’importe quel prix !

Il n’est pas acceptable, mes chers collègues, que ce contournement se fasse par un transfert des problèmes et des désagréments sur nos villes et nos villages, même au nom de l’intérêt général. Et encore moins que ce tracé nous soit imposé sans tenir compte de l’avis de nos populations concernées et de ses élus.

Il nous faut imaginer ce que sera cette réalisation autoroutière avec son péage, son échangeur situé à moins de 300 m des habitations ou encore son viaduc long d’1,6 km et haut de 25 m.

Une telle fracture territoriale aurait un impact bien trop important sur notre environnement, qu’il s’agisse des nuisances sonores, de la pollution, des risques sur la santé de nos concitoyens ou encore de la destruction de 600 ha de terres agricoles et de forêt, et de la détérioration de notre cadre de vie.

On ne peut accepter de tels sacrifices.

Vous avez très certainement remarqué que l’on nous explique régulièrement et avec une certaine insistance, pour mieux faire passer la pilule, que ce projet autoroutier est vital pour notre développement économique, notre sécurité et le désenclavement de la Vallée de l’Andelle.

Qu’ils soient tous assurés, nous sommes nous aussi, bien évidemment, favorables au maintien et au développement de l’emploi. D’ailleurs nous y œuvrons tous ensemble, quotidiennement. Faudrait-il pour autant, au nom de notre noble cause, accepter l’inacceptable ?

Bien évidemment non, d’autant plus que des solutions alternatives permettraient, si elles étaient travaillées, d’associer développement industriel maitrisé et protection et sauvegarde de notre environnement.

C’est motivés par ces propositions alternatives que nous avons participé aux réunions de concertation menées par l’Etat sous l’égide d’un garant.

Cela nous a permis de mettre en lumière certaines questions restées encore aujourd’hui sans réponse et d’avancer des préconisations qui pourraient permettre de voir se développer un projet soutenable pour tous.

Permettez-moi, d’en développer quelques-unes devant vous ce soir :

Nous pensons, que pour garantir la fluidité et la sécurité des circulations, l’intermodalité devrait être au cœur du projet.

Il faut, nous semble-t-il, améliorer les modes de déplacements, notamment les transports en commun entre la CASE d’une part, la CREA et la Vallée de l’Andelle d’autre part.

Imaginer des solutions ferroviaires (le développement de haltes ferroviaires, comme la réouverture de la gare d’Alizay, la remise en état de la ligne de chemin de fer allant vers Charleval – Etrépagny). Cela doit être une priorité à associer au contournement routier.

Il en va de même pour le fret ferroviaire dont il faut revaloriser le matériel et la main d’œuvre déjà présente sur nos territoires.

Le transport fluvial est également à développer.

D’ailleurs, nous pouvons nous féliciter que l’approvisionnement de la papeterie Double A se fasse, à partir d’octobre 2015, par barges sur la Seine, libérant ainsi nos routes de centaines de camions. C’est l’exemple à suivre !

Aujourd’hui, au stade de cette étude, aucun engagement sur les relations entre le fleuve, le chemin de fer et la route ne sont évoqués dans le projet.

Cette intermodalité, vous en conviendrez, est pourtant nécessaire.

Nous préconisons également qu’une modélisation précise des trafics soit associée à une étude des risques. Les dernières études remontent à 10 ans, nous pensons qu’il convient de les réactualiser.

Enfin, il nous paraît indispensable que, pour permettre cette fluidité recherchée, la gratuité de circulation soit assurée.

Dans l’hypothèse d’un barreau Eurois à péage, c’est ce qui nous est présenté aujourd’hui, nombre d’usagers locaux potentiels choisiront de ne pas emprunter cette autoroute. Et nous les comprenons, tant la vie est difficile aujourd’hui.

Une stratégie d’évitement qui ne permettra pas d’alléger le trafic routier et qui nous laissera avec les problèmes que nous connaissons aujourd’hui notamment sur Pont-de-l’Arche.

Ajoutons, que le recours à un concessionnaire privé pour cofinancer cette autoroute, projet jugé d’utilité publique par l’Etat, n’est une bonne opération financière pour personne sauf pour le dit concessionnaire.

Le principe de la subvention d’équilibre n’est pas acceptable, car elle rejette sur les collectivités « le risque financier » d’un tel projet.

Les usagers paieront donc doublement pour emprunter cette autoroute, comme clients du concessionnaire et comme contribuables.

Un autre montage financier est possible : grand emprunt, fonds européens…

Nous proposons donc que ce barreau Eurois, qui nous concerne particulièrement puisqu’il touche grand nombre de nos communes, soit une route à grande circulation à deux voies, gratuite bien naturellement, avec un franchissement de la Seine par un pont à hauteur du Manoir-sur-Seine / Alizay / Les Damps.

Cette proposition, beaucoup moins couteuse que l’autoroute, chiffrée je vous le rappelle à 1,2 milliards d’euros, permettrait de rejoindre les principaux axes routiers existants, maillerait beaucoup plus notre territoire tout en fluidifiant le trafic, épargnerait la destruction de centaines d’hectares de terres agricoles et de forêts, et permettrait, j’en suis persuadé, de trouver un consensus acceptable pour tous.

Pour conclure, je souhaite que notre assemblée contribue, ce soir, par l’avis qu’elle rendra, à l’issue de ce débat, à ce que ce projet soit de nouveau mis à plat et retravaillé, avec l’ensemble de nos associations, des élus, des communes impactées et bien évidemment, de nos populations.

C’est à notre avis le seul moyen raisonnable pour éviter un blocage réel et durable de ce projet, et éviter ainsi une perte de temps préjudiciable pour tous et une perte d’argent, tout en prenant en compte l’intérêt de nos populations.